L’escalier des arbres
On y monte.
[Claude Hartmann, Nocturnes, éd. La Galère]
L’escalier est le couloir de la verticalité d’une construction. Cependant, l’escalier est livré à une réflexion purement fonctionnelle et malheureusement bien trop souvent soumis à une réponse minimaliste. L’escalier est par définition issu d’une réflexion liée à sa fonction, à savoir, l’acte de s’élever dans l’espace. Or, en prenant le temps de s’arrêter sur ces termes « s’élever dans l’espace », la réflexion peut devenir, en plus d’être fonctionnelle, purement poétique. L’image de l’élévation dans l’espace a nourri et continue de nourrir les plus audacieux, les plus fous, les plus utopistes de ce monde.
S’élever, se faire et se sentir léger. L’escalier est soumis à une pluralité de déplacements, les pas lourds d’un réveil difficile qui se dirige vers la cuisine, les pas rapides d’un enfant rentrant de l’école qui enjambent les marches deux à deux pour retrouver son intimité avec ses jouets et ses héros dans la chambre, les pas légers d’une montée discrète sans attirer l’attention des parents, etc. C’est ces histoires que doivent livrer les marches d’un escalier. Ainsi, se dresse le récit constructif.
Pour mener à bien ce projet, nous devions commencer par livrer un récit sur ces marches : l’escalier est une affaire de forces, de physique, les marches supportent des masses, des passages, pourquoi ne pas les rendre solidaires ? Ainsi, l’idée du projet réside dans ce point : les marches doivent se soutenir, reprendre les forces exercées sur l’une doivent être reprises sur la suivante. Ce partage des forces livre un récit intime et engagé. Dans l’intérêt de ce programme, nous avons dû travailler sur la forme d’une pièce qui se répèterait tout au long de l’escalier. Dans un souci d’économies (à la fois écologique et financière) cette unique pièce était l’élément central du programme et qui deviendra le symbole de cet escalier.
Cette pièce blanche se veut délicate, avec un trait léger, au béton lisse, sensuel, très proche du corps et de la nature. Elle peut être comparée à une colonne vertébrale qui maintient un corps droit et solide. Parfaitement alignées, ces pièces s’élèvent l’une après l’autre, dans une perspective sensible, qui joue avec la lumière sur ses surfaces, qui appellent au toucher comme le fait la branche d’un arbre qui appelle à s’y suspendre ou à y glisser les cordes d’une balançoire.
Ainsi notre proposition d’escalier, fortia, renvoie à des caractères de solidarité, d’entraides, et de par sa forme se définis par des traits doux, sensuels, délicats, poétiques, au profil osseux. C’est dans ce récit que l’escalier nous invite à faire l’expérience de l’élévation. « Le rêve n’aime-t-il pas se percher haut ? » [André Theuriet, Colette, p.209]
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Équipe: Nathan Lafaye, architecte/ingénieur.